� Emile AUBE : Une rue de Capbreton porte son nom �
� Capbreton, � quelque deux cents pas du pont Lajus, dans l'avenue du Mar�chal de Lattre de Tassigny, autrefois appel�e route de l'Hospice parce qu'elle menait au Pr�ventorium, d�bouche la rue �mile Aub�. A l'angle de ces deux rues, la maison qui porte le num�ro 20 fut longtemps habit�e par deux fr�res, �mile Aub� ing�nieur et Paul Aub� artiste statuaire.
Grand industriel, ma�tre de forges, il dirigeait la Soci�t� des Mines, Forges et Hauts Fourneaux d'Herserange et Moulaine, dans la Moselle, dite � Aub�-Tronchon �. Pourtant, lorsque la concurrence des fers et minerais venus de Su�de � meilleur march�, s'intensifie, Jean-Baptiste-Isidor Aub� se trouve ruin� (comme beaucoup de ma�tres de forges � la m�me �poque). En 1854 il doit c�der ses biens, part � Verdun, puis � Paris au faubourg Montmartre.
- Paul Aub� (1837-1916)
Son premier succ�s se situe en 1861 avec une commande du buste de Prosper M�rim�e par le Minist�re de l'Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts, pourl'Institut. Ce buste fut r�alis� en marbre dans l'atelier de son ami Cagnotte, ancien prix de Rome. Pour peaufiner son art il se rendra ensuite en Italie en 1866 en vue d'�tudier la sculpture d�corative avec Carpeaux et Falgui�re. � leur retour, la proclamation de la Troisi�me R�publique a g�n�r� un mouvement de commandes officielles d�di�es au nouveau r�gime.
L'administration des Beaux-Arts lui commande un buste destin� � la biblioth�que de l'Acad�mie Fran�aise. Il r�alise un � Monument � Gambetta � d'une hauteur de 27 m�tres, pour la place du Carrousel. ?uvre majeure dont la maquette est encore au mus�e d'Orsay et qui lui vaut la L�gion d'honneur. Pour le Louvre il sculpta aussi des statues d�di�es aux gloires de la France, plac�es � chaque coin de la Cour Napol�on.
Lorsque Aub� expose � Paris un groupe en pl�tre, � La Sir�ne �, au Salon de 1874, il obtient une m�daille de 2�me classe. L'ann�e suivante, l'�tat passe commande de ce groupe, en bronze cette fois, pour d�corer la promenade du Peyrou � Montpellier. En 1876, la statue de � Pygmalion � rapporte � son auteur une m�daille. Pr�sent�e de nouveau � l'Exposition Universelle de 1878, elle re�oit une autre m�daille. En m�me temps, � La Sir�ne � et le buste du � Comte Sim�on � sont achet�s pour la biblioth�que du Conseil d'�tat.
Bailly au serment d
1892, � Royan, � l'entr�e du boulevard Lessore et du quai du Port : � Eug�ne Pelletan �, 1893, aux Gobelins, une statue de � Colbert �, 1894, � Saint-Quentin, � le Commandant Framond �, 1894, � Bruville (Meurthe-et-Moselle), un monument �lev� Projet statue de Borda pour la ville de Dax et sa r�alisation en bronze :
par la Soci�t� du �Souvenir fran�ais � � la m�moire des Soldats tu�s � la bataille de Mars-l�s-Tours, le 16 ao�t 1870, 1910, Groupe de � L�da �, � Longwy, la maquette en pl�tre d'un � Bailly au serment du Jeu de Paume �. La statue de bronze se trouva devant le Palais du Luxembourg jusqu'en 1940. Il n'en reste plus que la maquette en pl�tre qui se trouve au mus�e de Longwy. Elle fut fondue par les Allemands, comme la plus grande partie des ?uvres en bronze, victimes de la r�cup�ration des m�taux pendant l'Occupation. Paul Aub� eut pour premi�re �pouse Marie Hansel, qui meurt jeune, en couches. Le couple Aub� �tait tr�s intime de Gauguin.
Paul Aub� et son fils, par Paul Gauguin. On peut voir au Mus�e du Petit-Palais � Paris une peinture � l'huile repr�sentant Paul Aub� modelant une figurine et une autre de son fils �mile s'appliquant � ses devoirs. Elles furent r�alis�es par Paul Gauguin en 1882, ann�e o�, licenci� de son emploi d'agent de change, il vient se r�fugier chez les Aub� avec son fils. Gauguin reviendra souvent chez ses amis, au gr� de sa fantaisie ou de ses d�boires.
Rodin, Sauvage, Bartholom� font aussi partie des amis d'Aub� ainsi que Hiolle qui a fait de lui un m�daillon en bronze 'ci-contre). Falgui�re, rest� tr�s proche, est parrain d'un des petits-fils de Paul Aub�, le fils d'H�l�ne. Il r�alisa lui-aussi deux portraits de son ami. (Rappelons que Falgui�res a �t� �galement le ma�tre et l'ami intime du sculpteur Cl�ment d'Astani�res, � qui Capbreton doit tant d'oeuvres d'art.)
Paul Aub� a d�couvert Capbreton gr�ce � son fr�re �mile, et s'y est profond�ment attach�. En 1913, en vue d'embellir sa ville d'adoption, Jean-Paul Aub� propose � la municipalit� de lui offrir le buste en bronze d'une � Landaise � la cruche � destin�e � � perp�tuer une coutume charmante tendant de plus en plus � dispara�tre et (qui) devait constituer un tr�s artistique motif de d�coration du terre-plein situ� � l'ouest du clocher �. Il demande seulement � la municipalit� la prise en charge des frais n�cessit�s par le coulage du bronze et le socle qui l'aurait support�. Mais ses interlocuteurs sont visiblement bien peu ouverts � l'art et � la beaut�. En effet, non contente d'avoir abattu les platanes de la place de la Mairie, la municipalit� a entrepris d'araser la plus ancienne b�tisse de Capbreton, t�moignage d'un haut lieu historique, les vestiges d'une commanderie dite � des Templiers �? Cette m�me municipalit� juge que l'objet mobilier "Pieta", groupe de bois conserv� � l'abri du canot de sauvetage, ne para�t pas avoir un int�r�t historique ou une valeur artistique suffisamment d�montr�s. Ce sera pour l'artiste une forte d�ception de voir d�cliner son offre :
"Vu le peu d'�lasticit� actuelle du budget communal, vu l'urgence des travaux du port, le Conseil se trouve � regret dans la n�cessit� de refuser cette offre et charge M. le Maire de vouloir �tre l'interpr�te de ses bien sinc�res regrets et de vouloir le remercier vivement de ses g�n�reuses bont�s." Cet artiste de renom, universellement appr�ci�, passionn� par son art, mourra trois ans plus tard en 1916 � Capbreton, d��u par ses concitoyens. Retenons le jugement qu'en fera en novembre 1979 Jacques Peiffer, conservateur du Mus�e de Longwy qui a consacr� une exposition � ses ?uvres : � Aub�, statuaire impr�gn� d'une vision sereine, r�alise ses mod�les avec une grande sensibilit� de touche et mod�le ses ?uvres autant par la lumi�re que par la mati�re. �
Landaise � la cruche : Marguerite Lab�que, demoiselle de compagnie � qui Paul Aub� a fait d�couvrir Capbreton, lors de ses vacances.
- �mile Aub� (1838-1931)
�mile Aub�, son
Emile Aub� � 4 ans Apr�s de brillantes �tudes � l'�cole Polytechnique, il entre � l'�cole des Ponts et Chauss�es de Paris. Son condisciple Sadi Carnot, avec lequel il entretiendra toujours une riche amiti�, devint ministre des Travaux Publics puis pr�sident de la R�publique. - � Dax, il parvient � prot�ger la Fontaine-Chaude, victime d'une forte inondation en 1879, par un syst�me de canalisations de son invention. Cet exploit lui vaut, l'ann�e suivante, le titre de chevalier de la L�gion d'honneur et, pendant un temps, un quai de Dax s'appellera � quai Aub� �. - � Nice, qui sera longtemps son pied-�-terre, il capte les sources dites � du Loup � pour l'adduction d'eau de la ville. Souvent choisi comme expert ou arbitre pour trancher entre l'�tat et certaines communes des litiges parfois centenaires, il sera appel� � pr�sider une commission municipale apr�s la dissolution du conseil municipal ni�ois. - � Saubusse, charg� de la construction du pont � la demande de Mme Desjobert, g�n�reuse fondatrice, il re�oit de la donatrice � deux cents mille francs de gratification qu'il refuse d'abord et n'acceptera que pour les consacrer � des ?uvres de bienfaisance �. - � Biarritz, il dirige la construction de la passerelle de � La Vierge du rocher �. - � Capbreton, o� son souvenir est rest� vivace gr�ce � la rue qui porte son nom, il vient d'abord pour mener � bien les travaux d'am�nagements du port, de la jet�e et de l'Estacade, ordonn�s et financ�s par l'empereur Napol�on III et pour organiser le creusement du canal reliant l'�tang de Hossegor � la mer. En 1886 il apporte une r�vision � une notice sur Capbreton r�dig�e par Daguenet, ing�nieur des Ponts et Chauss�es.
Document sous la dict�e de M.Aub�, ing�nieur : estacade et travaux du port (Mairie de Capbreton) On utilise pour la premi�re fois des blocs artificiels fabriqu�s � la chaux de Teil (Usines Pavin de Lafargue dans l'Ard�che) m�lang�e � du sable ou du gravier de mer, comme on commence � le faire pour certains travaux hydrauliques du littoral des Landes. Une quarantaine d'ann�es plus tard, lorsqu'on m�ne une enqu�te pour juger de la r�sistance du mat�riau, on ne trouvera sur ces blocs aucune trace d'alt�ration ou de d�composition. Aub�, esprit inventif et curieux, a eu l'heureuse fortune de faire une d�couverte l'historique qui �claire l'histoire de notre r�gion. En 1876, en effet, il d�couvre � cent m�tres du lac de Hossegor, vers le Nord-Est, au lieu dit Tchatchic et au fond d'un puits construit en moellons joints au ciment de mortier, deux amphores gallo-romaines. Aub� est membre fondateur de la Soci�t� de Borda � Dax, il en appelle donc � ses coll�gues. Ceux-ci concluent que l'existence du puits est � peu pr�s contemporaine de celle des vases d�couverts et que notre r�gion �tait effectivement habit�e du temps des Romains. En 1887, il va r�aliser un emplacement de villas en front de mer dans un quartier dit � de la Plage � o� l'on d�sire favoriser une implantation de pins. Ce projet d'am�nager le bord de mer date des visites de l'empereur Napol�on III. Les lotissements pr�vus portaient le nom de � Hameau du Prince Imp�rial �. La route de la Plage avait �t� baptis�e � Avenue Napol�on III � et elle �tait continu�e par � l'Avenue de l'Imp�ratrice �. Emile Aub� est d�sireux de se procurer un terrain � Capbreton, proche du pont Lajus, si possible. C'est tout naturellement � F�lix Dub�arn�s qu'il fait part de ses projets afin que, sur place, celui-ci fasse les recherches pour d�couvrir un terrain ou une Emile Aub� petite maison, et cela donne lieu � de fr�quents �changes �pistolaires. F�lix Dub�arn�s fait toutes les recherches possibles : vignes perdues, enclos, concessions, dunes. Mais les Capbretonnais sont peu raisonnables, comme en t�moigne un courrier de F�lix Dub�arn�s, parmi d'autres du m�me ton : En la personne de son maire, Anatole de Saint-Martin, la municipalit� passe de nouveau accord avec �mile Aub�, alors qu'il est en poste � Bayonne, pour r�aliser le premier lotissement en front de mer. Ce quartier, dit � de la Plage �, sera �difi� sur des terrains c�d�s � la commune de Capbreton par les Domaines. Maison Aub� par Paul Aub�. Son �pouse, Jos�phine Dorion, que tous ses amis appellent Jos�phe, originaire de Longwy, modiste � Paris, vraie Mimi-Pinson gaie et pleine d'esprit, malheureusement touch�e par la tuberculose, a beaucoup d�sir� se fixer � Capbreton car le climat lui convient. Elle n'a jamais eu d'enfant et ce fut la grande tristesse de sa vie. Tr�s attach�e � une jeune s?ur qu'elle adorait et qui est morte jeune, elle cherche � en �voquer le souvenir et �mile Aub� faisait tourner les tables avec son �pouse. Leur famille a �t� nourrie dans cette ambiance et conserve encore des lettres �crites � sous dict�e hypnotique �. Nous sommes � l'�poque o� Victor-Hugo et sa famille faisaient, eux aussi, appel aux tables tournantes pour entrer en contact avec L�opoldine, leur fille disparue � Villequier. On ne peut passer sous silence la cheville ouvri�re de la maison, Mathilde Laborde, �pouse d'un marin au long cours, entr�e � vingt ans au service des Aub�. Elle a r�gn� en ma�tresse femme sur les pots de confiture et les confits de canard, mais surtout elle a prodigu� des soins d�vou�s � sa ma�tresse, morte de consomption le 17 mars 1904. On s'amusait de ce que son marin-p�cheur de mari, pr�cautionneux, ne manquait jamais, lorsqu'il partait pour deux ou trois mois, d'emmener dans ses bagages la robe des dimanches de son �pouse, afin d'�viter toute tentation inutile ! Etait-ce une habitude chez nos marins ? Quelques dates le rappellent : Lorsqu'il dispara�t, on en parle comme d'un homme de haute distinction, d'une parfaite urbanit� et d'une intelligence sup�rieure, bon jusqu'� l'exc�s et tr�s serviable. � Nombreux sont ceux qui lui furent oblig�s et qui garderont de lui un souvenir durable que perp�tuera, d'ailleurs, la rue qui porte son nom � c�t� de sa villa. �
En cl�ture de cet essai de biographie familiale, on peut s'amuser, comme le faisaient les fr�res Aub�, � compter les ann�es qui les s�paraient de la naissance de leur p�re, sous Louis XVI. Par lui, ils �taient d�positaires de souvenirs de l'Ancien r�gime, d'anecdotes in�dites transmises oralement, et tous deux se faisaient un plaisir de les raconter en soulignant leur anachronisme. De fait, on va constater au d�c�s d'�mile Aub� que son p�re �tait n� cent- quarante-neuf ans plus t�t. Les fr�res Aub� �tant issus d'un second mariage, leur p�re avait cinquante-cinq ans � la naissance de Paul et cinquante-cinq � celle d'�mile. Celui-ci ayant v�cu quatre-vingt-treize ans, cela fait bien cent quarante-neuf ans de d�calage.
Anne-Marie Bellenguez J'adresse mes plus vifs remerciements � Mme Henry, descendante de la famille Aub�. qui m'a ouvert largement ses archives familiales. Mes remerciements aussi � Melle Bardiau, fille de Marguerite Lab�que, pour son aimable accueil et les pr�cieux renseignements qu'elle m'a transmis. --------
|
|
Tous droits réservés Cote Sud Memoire Vive ©2012 |